Hybrider l'enseignement : pistes de réflexion pour développer l’autonomie et l’entraide entre élèves - Enseigner avec le numérique
 

Hybrider l’enseignement : pistes de réflexion pour développer l’autonomie et l’entraide entre élèves

Outil en ligne

Denis Sestier, enseignant d’histoire-géographie au lycée Malherbe de Caen, propose quelques pistes de réflexion pour développer l’autonomie et l’entraide entre élèves dans le contexte d’enseignement hybride.

L’hybridation de l’enseignement mise en place dans un certain nombre de lycées depuis le mois de novembre 2020 repose à la fois sur une approche pédagogique centrée sur l’usage combiné des outils numériques et non numériques mais aussi sur une alternance hebdomadaire. Les élèves sont présents au lycée par moitié une semaine sur deux tandis que l’autre moitié travaille à la maison.
Contrairement à une idée reçue bien ancrée, ce dispositif n’est pas forcément moins efficace que la situation à laquelle nous sommes habitués qui consiste à maintenir les élèves en classe, sous la conduite de l’enseignant.e sur la totalité de l’horaire d’une discipline. La difficulté est que ces classes, c’est particulièrement vrai en lycée, sont surchargées et que l’encadrement des élèves et l’aide qu’il est possible de leur apporter en souffre nécessairement. Aussi, la possibilité de travailler en groupes allégés est-elle une véritable respiration pour l’enseignant.e comme pour les élèves, car elle offre la possibilité de travailler dans des conditions beaucoup plus favorables aux apprentissages : encadrement facilité, aide plus aisée et plus fréquente pour chaque élève, climat de classe apaisé… Pour les élèves, être présents une semaine sur deux représente évidemment une perte horaire mais au moins en partie compensée par ces meilleures conditions d’études.
Certes, la distance peut favoriser pour certains élèves une forme de « décrochage » plus ou ou moins durable et plus ou moins profond. Il convient néanmoins de noter que ces difficultés existent aussi lorsque ces élèves sont en classe en permanence, la Covid n’a pas inventé les difficultés scolaires. Mais en temps habituel elles sont moins visibles par l’extérieur peut être, puisque les élèves sont en classe. Elles n’en sont pas moins réelles et les enseignant.e.s les constatent tous les jours.

Créer les conditions pour permettre aux élèves de poursuivre les apprentissages en autonomie

Il est cependant indispensable de prendre en compte la question suivante : comment faire en sorte de garder les élèves mobilisés notamment durant leur semaine en distanciel ? Comment éviter le décrochage permanent ou temporaire des élèves ? Comment assurer malgré tout les apprentissages ? Voici quelques-uns des défis les plus importants que la situation impose aux équipes enseignantes.
Disons le tout net, la classe virtuelle, envisagée comme modèle de l’école à distance et substitut au cours en présentiel, n’est pas, pour des raisons techniques et pédagogiques, un modèle qui permet de relever ces défis.
Toute la difficulté réside dans le développement de l’autonomie des élèves afin qu’ils puissent poursuivre leurs apprentissages lorsqu’ils sont en dehors de la présence des enseignants et tenus éloignés du groupe classe.
Il convient pour cela de mettre en place des activités qui soient suffisamment exigeantes pour permettre des apprentissages et en même temps suffisamment accessibles pour pouvoir être réalisées par les élèves seuls, chez eux.

Mettre en place un cadre clair et explicite

La centralisation des tâches à accomplir en un lieu virtuel unique et permanent, Pronote ou ENT, est la première condition du développement de cette autonomie. Pour que les élèves se mettent au travail, il faut que le travail soit facile à trouver.
L’explicitation des consignes est la seconde condition. Les tâches doivent être présentées simplement et de manière séquentielle afin que les élèves puissent suivre un programme de travail le plus clair possible. Par ailleurs, les tâches les plus exigeantes en terme cognitif doivent être réservées au temps scolaire.
Le recours au numérique, pour les productions d’élèves, doit être limité et surtout réservé aux communications entre élèves et enseignant.e.s. Les difficultés techniques sont réelles pour beaucoup de nos élèves que ce soit en terme de connexion, d’accès aux outils numériques (bien des élèves n’ont que leur téléphone pour travailler) ou de maîtrise des outils numériques qui parfois ajoutent une couche de difficultés à celles déjà engendrées par la maîtrise des contenus ou des méthodes travaillées.
La restitution des travaux doit être codifiée et bien balisée. Ils peuvent être déposés dans l’ENT, dans un espace clairement identifié et dans un calendrier défini, dans un port folio présenté à l’enseignant.e au retour en classe, envoyés par mail… Les solutions sont nombreuses et variées. L’essentiel est que la règle du jeu soit claire.
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Maintenir le lien entre la classe et hors la classe par l’entraide

Enfin, il est indispensable de tisser des liens entre les semaines en présentiel et celles en distanciel.
Une solution efficace est de découper la période de deux semaines en trois temps :

  • 1er temps : retour en classe, bilan des travaux réalisés à distance, remédiation éventuelle…
  • 2e temps : lancement d’une nouvelle tâche, d’un nouveau contenu, incluant la mise en œuvre des outils numériques nécessaires le cas échéant afin de s’assurer qu’ils sont maîtrisés par tous les élèves.
  • 3e temps : semaine en distanciel : fin de la tâche entamée en classe et éventuellement travaux simples de mise en forme, de prélèvement d’informations pour préparer la semaine suivante, d’exercices d’application simples (ou différenciés selon les niveaux des élèves)…

Mais même avec des tâches bien balisées, les élèves vont nécessairement se retrouver confrontés à des obstacles imprévus, des difficultés importantes ou non, mais qui dans tous les cas vont les bloquer dans leur travail.
Il convient donc, et c’est un point fondamental, de proposer aux élèves un support, une sorte de hotline à laquelle ils peuvent s’adresser le cas échéant. L’enseignant.e reste, bien entendu, le premier recours. Néanmoins, il convient de considérer que, même avec des demi-groupes, le temps de travail de l’adulte n’est pas divisé par deux, puisqu’il intervient sur la totalité de son horaire de travail. Sa disponibilité est moins grande par exemple que durant le confinement intégral du printemps 2020 qui s’était accompagné de la fermeture des établissements scolaires. Sa réponse aux questions des élèves (par mail, par message dans l’ENT, par SMS dans certains cas) est forcément différée par rapport à la demande. Or, un élève qui pose une question est en général en train de travailler. S’il pose une question, c’est qu’il est bloqué. Il a donc besoin d’une réponse rapide, faute de quoi, il cesse de travailler et en fonction de la distance temporelle entre sa question et la réponse, il existe un vrai risque que le travail soit abandonné plus ou moins définitivement.
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Pour compenser la moindre disponibilité de l’enseignant.e, il est possible de développer l’entraide et la coopération entre élèves. Ainsi les classes peuvent-elles être organisées en binômes composés d’un élève en présentiel et d’un élève en distanciel. Les élèves en distanciel sont invités à travailler dans la discipline concernée en même temps que les élèves qui sont au lycée, sur l’horaire de cours habituel, au moins sur une partie du temps de la semaine. Les binômes sont autorisés à communiquer, durant le temps de classe par SMS.
Le membre du binôme présent en classe se fait ainsi le référent ou le relai de l’élève distant qui peut lui poser des questions sur le travail à réaliser. Si l’élève présent peut répondre, alors tout va bien. S’il ne peut pas, alors il se fait interface entre l’enseignant.e et l’élève distant et expose la demande de son camarade. Là encore, deux cas de figures sont possibles : si l’explication est simple, elle passe par SMS. Si elle est complexe, alors l’enseignant prend quelques minutes pour appeler l’élève distant et discuter en direct du problème posé, comme il le ferait si l’élève était présent. Il est possible aussi de communiquer par un système de classe virtuelle non pour « faire cours » (une expression qu’il conviendra un jour d’éclaircir) mais pour répondre, de la même manière, à une question qui demande une explication un peu plus détaillée.
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Cette organisation ne constitue pas une solution miracle et ne résout pas tous les problèmes mais offre l’avantage de maintenir le collectif du groupe classe, de développer l’autonomie des élèves tout en les mettant en activité. Elle permet de continuer à « avancer dans le programme » en limitant les risques de décrochage. En outre, elle contribue à construire l’autonomie des élèves, qui est l’un des objectifs principaux de l’éducation et dont, dans l’enseignement supérieur, ils auront grand besoin. Et, qui sait, peut être la situation actuelle nous permet-elle d’expérimenter et d’inventer ce qui fera l’école de demain ?

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Pour aller plus loin

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Vous trouverez des compléments d’information dans l’article Hybrider son enseignement à l’aide du numérique.